
Embuscade à Almoustarat. Suite et fin
Les blessures de Michel sont dues à des éclats de ferraille. Elles sont superficielles mais Philippe semble plus gravement atteint. D’un premier examen sommaire, il ressort qu’un projectile a fracassé son coude gauche, et qu’une seconde balle a perforé l’épaule et le bras droit de notre camarade. Heureusement aucun organe vital n’est touché. Si la perte de sang est importante, sa vie n’est pas en danger.
Même si notre optimisme n’est pas entamé, il nous faut parcourir environ une centaine de kilomètres pour rejoindre Gao. Je prends en charge Philippe dans ma voiture. Allongé sur la banquette arrière il est livide mais n’émet aucune plainte malgré la souffrance endurée. Un camarade, infirmier de profession l’accompagne et étanche le sang qui suinte lentement. Reprenant la piste, je récupère un grand malien qui juché sur mon sac me sert de guide.
Nous reprenons notre errance nocturne avec un seul but, arriver à Gao dans un délai raisonnable pour donner des soins aux blessés. Lorsque, enfin j’arrive à Gao à une heure du matin, je suis le seul rescapé de notre colonne. Les autres voitures sont stoppées à des distances variables : soit elles sont enlisées dans le fech-fech, soit l’embrayage est grippé par le sable.
Grâce aux indications de mon guide, nous arrivons devant un bâtiment de plain-pied de dimension modeste. J’avais espoir de trouver un hôpital, je découvre au mieux un dispensaire. Peu importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse. Je hèle un individu en blouse blanche et lui indique que ma venue n’est pas de courtoisie, mais motivée par des blessures par balles sur mon camarade. Son manque de réactivité me fait bouillir, je le houspille, mais rien n’y fait. D’un pas nonchalant il vient s’enquérir du motif tardif de notre visite. Trouve t‑il inconvenant de ne pas avoir pris rendez-vous, ou simplement cette situation est tout simplement d’une banalité affligeante ?
Après les palabres d’usages, zigzagant entre des malades couchés à même le sol et des chèvres dont la présence insolite ne s’explique pas, nous emmenons Philippe dans une salle de soins qui comporte une table ressemblant comme deux gouttes d’eau à un étal de boucher. Nous allongeons notre camarade afin qu’il reçoive les premiers soins. Un médecin malien lui prodigue une méthode pour le moins sommaire , il lui rase méticuleusement les poils qui cernent les blessures et applique des pansements qui me laissent pensif quant à leur efficacité. Le toubib estimant sans doute avoir accompli son devoir, de surcroit en dehors des heures légales, s’assoit pour se reposer de ce dur labeur. Les doutes que nous émettons sur ses capacités médicales le pousse hors de ses gonds. Il affirme la main sur le cœur avoir fait ses études de médecine à Montpellier.
Peu importe, il me faut reprendre la route pour récupérer Michel. En quittant le dispensaire j’entends Philippe hurler — je ne veux pas de transfusion ! Vu le manque de moyen, il ne risque pas grand chose.
Lorsque je dépose Michel au dispensaire, je m’étonne qu’aucun médicament, style antalgique n’ait été dispensé à Philippe. On me répond que le dispensaire ne dispose pas de médicaments et que nous pouvons en acheter à la pharmacie centrale encore ouverte à cette heure avancée. Avec notre infirmier nous allons de ce pas acheter ces médocs.
Enfin à cinq heures du matin, la troupe est réunie et nous mangeons un steak-frites au camping Bango chez Claude.