
L’homme Protée nous a quitté.
La gauche pleure un illustre et riche représentant. Cette attitude compassionnelle tend à se répandre dans toutes les couches de la population. Nous avons sans doute les héros que nous méritons, c’est ainsi que nous encensons des bateleurs, nous portons aux nues des histrions, nous idolâtrons des ménestrels, nous glorifions des bouffons et aujourd’hui nous pleurons un affairiste.
Un homme qui fut tour à tour chanteur, acteur, dépeceur de sociétés, homme politique, patron de presse, président de club de foot et plaideur professionnel. Cet homme qui fit les choux gras d’une presse avide de sensationnel avait certes un don : celui du bonimenteur, celui du professionnel du bonneteau. Faire prendre des vessies pour des lanternes au citoyen lambda était pour lui l’enfance de l’art.
Menteur, corrupteur, hâbleur, champion du miroir aux alouettes, il n’hésitait pas à l’occasion de pratiquer l’anathème. De traiter de salauds les électeurs du front national n’était pas une figure de style.
Les naïfs accolaient volontiers à sa personne la réputation de sauveur des entreprises en difficulté. La réalité était toute autre. Achetées à vil prix, les dites entreprises étaient morcelées et revendues, avec profit, et ce au détriment des ouvriers qui se retrouvaient sur le carreau. Son seul but, faire du fric.
Ephémère ministre de la ville, il proclamait avec suffisance qu’il allait terrasser le front national. On sait ce qu’il advint. Président de club de foot, il avait une aversion envers le hasard et préférait circonvenir des joueurs afin d’assurer la victoire. Quid de la fameuse coupe d’Europe ?
Un aplomb phénoménal lui assurait la sympathie des gogos. Lorsque sa faconde n’assurait qu’imparfaitement son succès, il argumentait par l’absurde. Au président du tribunal qui l’interrogeait, il répondait qu’il avait menti de bonne foi. Nous n’étions pas loin du fameux “à l’insu de son plein gré ” Car l’homme n’a rien d’un jocrisse, il est matois le bougre.
Il aura pourtant connu une dernière désillusion. Peu de temps avant que la mort ne l’emporte, il fut sauvagement agressé par des individus qui n’avaient cure d’apprendre que cet humaniste avait toujours défendu cette communauté qui s’exonère de nos us et coutumes. Pour ne pas clore cette nécrologie par un commentaire exclusivement à charge, je salue le courage qu’il fit preuve durant sa maladie, au même titre que les milliers de français atteints par cette maladie et ce, dans l’anonymat le plus total.
Que Dieu ou le diable ait son âme, au choix.
Pour les mêmes raisons que précédemment je viens de bien rire en lisant ton récit sur cet ignoble personnage qu’était Tapie. A défaut de l’avoir moi-même approché de près, mon regretté collègue “le barbu”, a suivi avec assiduité le dossier Terraillon et tous les acteurs concernés.
Vu que nos bureaux se touchaient il m’arrivait de profiter de ses commentaires lorsqu’il téléphonait. Il s’intéressait à un nommé Berset, homonyme de l’ancien acteur suisse, escroc patenté, qui avait profité du handicape, et de la naïveté d’une femme fortunée, pour lui soutirer de l’argent. Pour des raisons que j’ignore, il s’avérait que ce type avait eu affaire avec Tapie. Et mon collègue bien qu’ayant une sensibilité plutôt marquée à gauche, savait faire preuve de courage et d’un certain franc parler.
Un jour qu’il téléphonait au dénommé Berset, je lui ai entendu déclarer texto : ” Ecoutez-moi bien M. Bersert, vous êtes un escroc et une ordure de profiter de cette pauvre femme, mais je dois dire que j’ai une certaine admiration pour vous, car vous êtes le seul qui ait réussi à piquer 150 briques à Tapie!”
L’anecdote valait la peine d’être citée.