
Débarquement au trou charmant. Suite.
Riquet et Marlène avaient la charge ingrate de la garde des véhicules, ce qui en soi n’était pas une difficulté insurmontable mais était une possibilité de subir une situation délicate. En effet placés ainsi en première ligne, ils seront les premiers au contact d’éventuels curieux. Pour expliquer la raison leur présence en ces lieux perdus, ils pourront développer l’alibi sentimental. Un couple à la recherche d’un coin tranquille pour satisfaire leur soif de promenade romantique pourrait être crédible à la condition indispensable d’être questionné par un individu particulièrement distrait ou naïf et dépourvu du moindre discernement.
En effet la possibilité qu’un couple en recherche amoureuse se déplace à l’aide de quatre véhicules dont un taxi-brousse est hautement improbable. En désespoir de cause Riquet placerait l’histoire farfelue du repérage pour un film. Le laps de temps que mettrait le plus débile des policiers à comprendre que Riquet professe des fariboles devrait permettre à Marlène de nous alerter. Nous pourrions ainsi porter secours et assistance à notre camarade qui livré à lui-même serait susceptible de résoudre le problème en employant des méthodes que tout partisan de Ghandi désapprouve.
Heureusement ce cas de figure ne s’est pas présenté. Mais d’affirmer que cette soirée fut paisible et n’offrit aucun moment d’inquiétude est le meilleur moyen de discréditer mon récit. Non cette nuit sera à jamais inscrite dans ma mémoire et s’affirmera comme un moment rare dans la vie d’un homme.
Jean-Claude et moi calés dans une anfractuosité rocheuse à l’abri de tous regards inquisiteurs devisions comme deux bourgeois attablés à la terrasse d’un bistrot gonflés de certitudes et commentant la tendance haussière de la bourse ou la sécurité que procure la possession de l’or. De tenir des propos anodins et frivoles était un bon moyen pour évacuer le stress.
En fait nous étions cernés d’incertitudes. Le Vulcain va t‑il aborder les eaux territoriales sans rencontrer d’obstacles et sera t‑il exact au rendez-vous ? Le débarquement, suivant un plan imparfaitement rodé, se déroulera t‑il sans impondérables ? Avons nous été repérés où trahis ? Allons nous rééditer le fiasco du débarquement de la baie des cochons entreprit par des anticastristes ? Allons nous sur un coup de dés jouer notre avenir ? Allons nous être portés sur un pavois ou jetés au fond d’une geôle immonde ?
Toutes ces interrogations muettes traversaient nos esprits cartésiens et ajoutaient un doute raisonnable.
Une préoccupation bien réelle nous taraudait. Le moyen mis en œuvre pour signaler notre position au bateau sera t‑il fiable ? Un long bâton muni de deux lumignons diffusant une lumière rouge était le système prévu pour diriger les zodiacs qui composaient la force d’invasion. Certes nous sommes loin du 6 Juin, la disproportion des forces en présence rend hasardeuse et complaisante toute comparaison. Par sécurité nous avions transmis également notre position prise par GPS à un contact en Suisse.
Le regard fixé sur l’horizon n’apporte aucune information. Nous scrutons les ténèbres avec l’espoir de déceler une ombre, mais sans succès. Or les heures défilent et rien ne se passe. Les chances de réussite de l’opération peuvent être contrariées par une multitude d’aléas. Or à l’instant même un problème surgit. De nos précédentes incursions nocturnes, nous n’avons jamais été confrontés à ce phénomène. La lune prenait possession de ses quartiers et révélait à nos yeux ébahis une situation que nous n’avions pas anticipé.
Bientôt la suite.