
Débarquement au trou charmant.
Oublions un instant tous les événements tragiques qui jour après jour assombrissent notre moral et notre avenir. Oublions également des faits d’une importance mineure telle que la difficulté que j’éprouve à terminer le roman que j’ai en chantier sur le thème d’une aventure mercenaire. Pour oublier le présent rien de plus facile, il suffit d’évoquer le passé et de laisser la nostalgie s’installer.
J’ai gardé à l’esprit un moment d’exception que j’ai vécu voici 25 ans sur une plage de l’océan indien pourvue d’un nom évocateur de félicités tropicales. Le trou charmant.
Le 27 Septembre 1995. A la nuit tombée trois compagnons et moi-même sommes postés en contre bas de la route de Moroni, cachés à la vue de regards indiscrets par des arbustes feuillus à souhait. Nos quatre véhicules bien camouflés se confondent avec la végétation exubérante et ne laissent rien paraître de leur présence.
La raison de notre regroupement dans ce lieu désert est de réaliser la mission dont nous sommes investis. Mission qui consiste à baliser un point de la côte afin de faciliter le débarquement d’une troupe armée chargée de fomenter un coup d’état destinée à destituer le président en titre.
Mazette, rien que ça! Certes ce programme peut paraître ambitieux aux yeux d’observateurs ignorants de la situation politique et militaire de cette portion de territoire de l’Océan Indien.
Le régime est aux abois, prévarication et incompétence expliquent la détestation du président qu’affiche la population. La France n’a eut de cesse de ramener à la raison ce président ingrat, oublieux des subsides versés par l’état français en favorisant l’implantation de la Lybie. Son armée est loin d’être pléthorique et ses cadres favorables à un changement de gouvernement. Les tenants de La politique française toujours tortueuse ne seraient pas outrageusement effarouchés si ce scénario venait à se produire.
22 heures. La nuit prend possession de son royaume, la visibilité n’est pas très bonne, pourtant la lune chargée de trouer la pénombre est à la manœuvre. Cette semi obscurité sert nos plans à merveille, elle confère à notre entreprise la confidentialité requise. Le point faible de notre dispositif, en cas toujours possible de contrôle de police, est de trouver une raison plausible à la présence de quatre occidentaux pourvus chacun d’un véhicule. Anticipant ce cas de figure toujours possible, Jean-Claude a échafaudé un plan qui laisse une grande part d’incertitude. Si d’aventure des policiers soupçonneux nous interrogeaient sur les raisons de notre présence au milieu de la nuit sur une plage qui n’offre aucune des commodités que l’on est en droit d’attendre d’une plage à touristes, notre excuse appartient au monde du cinéma. Nous serions chargés de repérages de lieux propices pour le tournage d’un film. Moi je veux bien mais sauf à être confrontés à des flics particulièrement demeurés, cet alibi risque de ne pas convaincre grand monde.
Nous les premiers. Nous avions prévu une autre méthode qui n’était pas non plus exempte d’aléas, mais qui comportait un taux de réussite plus élevé.
Nous nous étions munis de machettes et de longs couteaux destinés à convaincre les flics les plus obstinés si par hasards ils nous cherchaient noise. Nous étions déterminés à utiliser ce moyen létal car en aucun cas nous ne pouvions mettre en péril la vie de nos camarades du bateau et d’autoriser l’échec d’une opération si longuement préparée.
Seul Riquet refusait d’utiliser des armes blanches, arguant que ses poings étaient des arguments percutants qui pouvaient convaincre les plus récalcitrants. Précisions utiles à la compréhension de cette affirmation. Riquet était un ancien karatéka de niveau international.
Notre attente débutait sous un ciel obscur qui cachait les beautés de la voute céleste.
Bientôt la suite.