
Souvenir de la piste — deuxième épisode
Suite du précédent article.
Le sens de l’humour des mauritaniens est proverbial. C’est sans doute pour cela que les douaniers avaient concocté une entrée dans leur pays des plus facétieuse. Le poste en lui-même n’offrait rien de particulier pour ces régions, un simple abri en pierres branlantes pourvu d’une ouverture minuscule qui faisait office de guichet. Après une attente d’une durée variable, les formalités pouvaient débuter. C’est alors que je constatais un phénomène qui chez nous aurait suscité l’opprobre générale.
Les douaniers appliquant la préférence nationale, ils négligeaient de manière ostentatoire l’ordre d’arrivée et privilégiaient les autochtones, ce qui en soit n’a rien de répréhensible mais mal vu en France. Allez comprendre ?
Revenons au casse tête qui consistait à franchir la frontière. Derrière le poste, le passage obligé et judicieusement choisi avait une largeur qui permettait à nos véhicules de passer en gardant une mesure de sécurité qui n’excédait pas 50 centimètres. Les rails métalliques qui encadraient cette entrée incitaient à la prudence, mais pour autant ne nous ralentissaient pas, car nous devions prendre de l’élan pour arriver à ce passage situé sur une hauteur. Pour saisir l’humour de la situation, il fallait franchir le sommet et découvrir l’étendue à notre disposition qui était du sable mou sur environ 25 mètres. D’où la difficulté d’atteindre une vitesse suffisante au sommet, de relâcher la pédale d’accélérateur pour tomber sur le sable et donner toute la puissance du moteur pour s’extraire du sable mou. Cette situation amusait beaucoup les mauritaniens qui en percevaient le sel surtout quand les mercédes crevaient leur radiateur placé trop bas.
Cette difficulté enfin surmonté, nous devions avaler une quarantaine de kilomètres en terrain très accidenté. Nous suivions une vieille piste espagnol à peine discernable qui nous menait au poste de la gendarmerie. Ces dignes fonctionnaires, obéissant sans doute à une directive venant des plus hautes instances du pays, ne débutaient leur travail qu’à la condition que le dernier véhicule du convoi soit arrivé.
Je vous laisse imaginer comment un convoi constitué parfois de 50 à 100 véhicules, qui pour certains comptaient un nombre impressionnant de kilomètres, avançait sur du sable mou. Les ensablements se multipliaient, les pannes entravaient la bonne marche du convoi qui ralenti par ses divers problèmes progressaient à une allure de vieille tortue infirme. Cette distance de 40 kilomètres était franchie fréquemment en plusieurs heures. Nous arrivions chez les gendarmes fatigués et énervés, mais nous devions prendre notre mal en patience car les méthodes employées pour satisfaire au formalités ressemblaient à s’y méprendre à de l’anarchie, ou alors très bien imitée.
Les mesures destinées à faciliter nos démarches étaient certainement le fruit d’une réflexion d’esprits dérangés. Ou simplement l’affirmation de la suprématie des pandores face à la horde de ces nouveaux envahisseurs.
Seul un habitué de ces situations peut éventuellement avoir son opinion, mais sans doute ne la divulguera-t-il pas de peur de s’attirer les foudres des bien-pensants.
La suite bientôt.….