
Coup d’état aux Comores
Pourquoi évoquer un événement survenu voici vingt deux ans. Pour le plaisir uniquement pour le plaisir égoïste qui consiste à décrire des événements auxquels j’ai apporté ma modeste contribution.
Rappelons brièvement le contexte pour ceux qui, trop jeunes à l’époque ainsi que les indifférents, ne se souviennent pas de ces tribulations. Il s’agissait de renverser le président d’un état souverain de l’océan indien pratiquant une politique qui n’avait pas l’assentiment du gouvernement français. Celui-ci soucieux de ne pas apparaître comme maitre d’œuvre avait sans avoir fait d’appel d’offres, choisi un prestataire corvéable à merci, le vieux chien de guerre Bob Denard. Téléguidant celui-ci avec l’avantage de pouvoir le désavouer sans qu’il ne pipe mot si le besoin s’en faisait sentir.
Comores. le 28 septembre 1995 à 3 heures du matin.
Nous avions choisi une crique propice à un débarquement nocturne, portant un nom qui pour bucolique qu’il fût était équivoque. Mais l’absence de renseignement nous laissa dans l’ignorance et nous ne pûmes jamais éclaircir si ce vocable était coquin ou simplement poétique. Donc le trou charmant fût le théâtre du débarquement d’une trentaine d’hommes à bord de quatre zodiacs. Au regard de leurs équipements, tenues et armements ces hommes possédaient manifestement de mauvaises intentions.
Leur arrivée était attendue avec impatience par un groupe constitué de quatre personnes, une femme et trois hommes qui avec soulagement virent émerger de la pénombre les quatre embarcations. Je garde un souvenir vivace de cette nuit car j’étais l’un des trois hommes qui composaient le groupe dit de reconnaissance.
La suite de ces événements se déroula en quatre phases. La première fut le débarquement. La seconde la prise de Kandani qui était la garnison principale de l’armée. La troisième consistait à investir la présidence et enfin la dernière phase devait être la prise de la radio. La seconde et la troisième étaient prévues de se dérouler simultanément. C’est Denard accompagné de son groupe de protection, constitué de Riquet, Jean-Claude, Michel et moi-même qui coordonnait le ballet par des ordres brefs et concis transmis par radio. Si les soldats qui protégeaient la présidence offrirent une résistance peu fougueuse, des échanges de tirs eurent lieu sans causer de dommages physiques à quiconque. La caserne de Kandani surprise dans son sommeil, alanguie par la moiteur tropicale rendit les armes sans combat. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. L’explication de cette reddition peu glorieuse tient au fait qu’au sein de l’armée existait une faction favorable à une destitution du président en exercice. Ajoutons à cela la présence d’anciens officiers de la garde présidentielle parmi les assaillants ce qui fut déterminant car reconnus par bon nombre de soldats comoriens.
Le scenario conçu par Denard se déroulait sans accroc lorsque celui-ci décida de rajouter une scène non prévue aux quatre phases décrites précédemment. Foucade ou décision murement réfléchie, à moins que… simplement le désir de pimenter le déroulement d’une situation trop fade, il est probable qu’ a jamais nous resterons dans l’incertitude.
Denard d’un geste prompt enjoignit son équipe de protection a le suivre pour aller de ce pas investir la prison où croupissaient des opposants au régime. A bord d’un minibus loué par J‑C nous avons toutes affaires cessantes traversé la ville endormie pour atteindre les lieux d’incarcération. Arrivés devant un haut mur nous étions dubitatif car aucun plan ne nous guidait, la réussite de cette improvisation était basée uniquement sur notre bonne étoile. Une porte métallique semblait nous défier, je poussais celle-ci bien que récalcitrante elle consentit à s’entrouvrir. Si la patience est une de vos vertus, tant mieux car la suite devrait attendre quelques jours…