Le pont de la rivière Kibali. ( Aventures africaines.)
Je pioche dans mes souvenirs. Or parmi ceux-ci l’Afrique occupe une part non négligeable, le Zaïre en particulier. Ce retour dans le passé me remet en mémoire des moments de forte tension. Inévitablement me vient à l’esprit l’épisode du pont de Nzoro que je nomme plus volontiers le pont de la rivière Kibali.
Voici 20 ans pour être plus précis 21 ans j’étais membre d’un groupe de militaires au service du président Mobutu qui dirigeait le Zaïre. D’ordinaire ces soldats sont affublés du terme qui se voudrait méprisant de mercenaires. Soit acceptons celui-ci au même titre que soldats de fortune. Peu importe cela n’a aucune incidence sur le déroulement des événements.
Nous étions basés à Durba lorsque les troupes rebelles attaquèrent Watsa. Ce centre minier situé au nord-est du pays était un enjeu stratégique que nous devions défendre. En fait notre troupe constituée de tigres katangais chargée de la défense de Watsa avait dû se replier face à un ennemi supérieur en nombre. L’encadrement des katangais à savoir Titi, Carlson et Floribert avaient échappés par miracle à la mort lors d’une embuscade. Les rescapés qui se repliaient en direction de Durba firent la jonction avec les renforts envoyés par Charles au pont de Nzoro. Celui-ci par la force des choses devint le point d’appui qui nous permit de regrouper nos effectifs afin d’entraver l’avance rebelle. La rivière Kibali marquait la ligne de front et ce pont qui la franchissait devenait le verrou que nous devions garder intact le plus longtemps possible.
A la nuit tombée mon supérieur le commandant Charles me convoqua pour me confier la mission d’amener des renforts au pont. Je pris le volant d’un 4/4 Mahindra avec un chargement de soldats katangais. L’un d’entre eux qui connaissait la piste de Durba au pont me servit de guide. La distance qui nous séparait de notre objectif ne devait pas excéder cinq ou six kilomètres encore qu’une estimation de nuit n’est qu’approximative. Si les premiers kilomètres n’offrirent pas de difficultés majeures, les deux derniers se révélèrent plus ardus car franchis toutes lumières éteintes. A l’approche du pont il devenait évident que nous devions adopter des mesures de discrétion destinées à masquer notre venue. Une ombre surgit de l’obscurité m’intima l’ordre de stopper. C’était Louis qui venait m’informer de la proximité du pont et me prodiguer des conseils pour déposer ma cargaison humaine le plus silencieusement possible.
Il me restait à résoudre un ultime problème, à savoir faire un demi-tour en toute discrétion sur une piste d’une largeur lilliputienne et cela va de soi sans lumière. Malgré mes compétences de conducteur unanimement reconnues par mes pairs, mon inquiétude n’était pas feinte. Dès l’entame de ma manœuvre les roues avant du véhicule firent connaissance avec le fossé, le scénario envisagé ne devait pas se dérouler ainsi et je commençais à transpirer à grosses gouttes. Il est bon de se souvenir de mon ignorance du fonctionnement de ce véhicule. Pour sortir de ce mauvais pas je devais trouver la bonne manette pour enclencher le crabot. Quelques longues minutes de recherches furent nécessaires pour aboutir au résultat espéré. Je pus enfin reculer non sans faire rugir le moteur de manière fort peu discrète. L’ennemi nous faisant face ne manifestant aucune réaction qui put me nuire je pris le chemin du retour à la mission catholique qui abritait le PC.
La suite ne saurait tarder.
Et depuis fin 2020, vous pouvez lire un extrait de mon dernier roman qui parle de ce pont, ainsi que la présentation du roman en vidéo.